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Interview Thomas Rouxel / Sodebo

Par Meggane - 14 janvier 2022

Samboat a interviewé Thomas Rouxel à son retour de sa dernière course. Retrouvez son ressenti sur la Transat Jacques Vabre, ses attentes et son programme pour 2022. Après une saison passée aux côtés de Thomas Coville sur le trimaran Sodebo, Thomas Rouxel attend avec impatience la remise à l’eau, en avril, de l’ultime.

Retour sur la Transat Jacques Vabre

© Loic Venance / AFP

  • Quel est ton ressenti sur la course avec du recul ?
  • « L’objectif était de jouer le podium ou la gagne donc en tant que compétiteur, je suis forcément déçu par le résultat… A la suite de notre avarie, nous avons dû faire escale et nous arrêter afin de pouvoir réparer. Nous avons donc rapidement perdu le contact avec la tête de la course alors que l’on naviguait en deuxième position.

    C’était une course très atypique de par la météo principalement : nous avons eu très peu de vent et nous avons même fait de la marche arrière au passage de Ouessant ! Le bateau était emporté par le courant…

    Après, il y a du positif bien sûr. Nous étions content d’avoir pu repartir après notre avarie, d’avoir pu rallier la Martinique et terminer la course. Puis nous sommes également très content de notre début de course et de la position que nous avons réussit à tenir avant notre avarie. » 

    Cette année : nouveau parcours semé d’embûches avec deux fois le passage du pot-au-noir où vous vous êtes retrouvés au milieu des éclairs dans une nuit noire avec des rafales à 30 nœuds. Dans ce genre de situation, qu’est ce qui vous pousse à continuer dans la course au large ? (Rappelons que vous avez été blessé pendant la course. Projeté dans la cabine suite à la collision du bateau avec un OFNI).

    « Des fois on se pose la question ! Il y a des moments pas agréables du tout. Comme nous devons maintenir un taux de performance élevé, nous prenons des risques, pour nous comme pour le bateau. Malgré ça, c’est un métier exceptionnel. J’ai conscience de la chance énorme que j’ai de vivre de ma passion et aussi, de faire parti des quelques rares marins qui ont la chance de naviguer sur ces bateaux exceptionnels et addictifs.

    Une fois que l’on commence à naviguer dessus, c’est impossible de ne pas avoir envie d’y revenir. Les performance du bateau sont incroyables et les sensations de vol sont dingues ! C’est un métier est très complet :

    • Il y a le travail d’équipe, notamment avec l’équipe technique qui nous encourage et qui bosse au quotidien pour rendre le bateau performant. On a envie de se dépasser pour gagner des courses et rendre fier du travail accomplit.
    • il y a aussi le public, les  fans, et les passionnés qui nous boostent et nous motivent à continuer.
    • Sans oublier, le plaisir égoïste de la navigation quand on est à la barre de ces bateaux exceptionnels et le rythme de vie entre les courses. Une alternance entre des séances de sport et du temps libre. »

    Quels ont été tes points forts en navigation ? A l’inverse, points à travailler ?

    « Nous avons réussi à tenir un niveau de performance assez élevé au vent arrière. nous sommes vraiment contents parce que c’était notre objectif premier sur cette course. Sur la plupart des courses comme la Route du Rhum ou les tours du monde on a beaucoup d’allures portantes, c’est donc un gros avantage d’être rapide dans ces conditions là. 

    L’aspect négatif c’est que l’on est encore très vulnérable en cas de choc. Les OFNIS, en partie immergés, sont impossibles à détecter. Les collisions arrivent fréquemment et à coup sûr nous abimons les appendices; foils, dérives et safrans. Il arrive que l’on puisse bricoler en mer, mais parfois nous sommes obligés de nous arrêter pour réparer. Comme ça a été le cas pour nous lors de cette édition de la Transat Jacques Vabre.

    En ce moment il y a beaucoup d’investissements aussi bien financiers qu’humains, sur ces détections d’objets flottants. Nous avons d’ores et déjà un système qui utilise caméras infrarouges, thermiques, radars.. mais cet équipement reste insuffisant et peu fiable quand le dit objet est immergé. À ce jour, nous n’avons pas les bons réglages, les bonnes solutions technologiques pour pallier à ce problème.« 

    Le monde de la compétition

    © Vincent Curutchet

    Quel est ton quotidien quand tu n’es pas en course ? 

    « J’ai un profil d’équipier, je ne m’occupe donc pas de la gestion des sponsors, qui est la partie très chronophage pour un skipper. J’ai commencé ma carrière professionnelle en Figaro ou j’avais été directement sélectionné par un sponsor donc je n’avais déjà pas eu à faire toutes les démarches de recherche.

    Au bout de 10ans, je suis passé équipier et je n’ai jamais eu besoin de chercher activement des skippers prêts à m’embarquer. Au contraire, tout s’est fait naturellement. Il y a forcément un peu de gestion de réseau à faire pour avoir bonne presse et une bonne image, mais j’ai eu la chance d’enchaîner les supers projets. C’est un peu un cercle vertueux, quand on enchaîne les projets, tout s’enchaîne, avec des propositions plus sympas et encore plus nombreuses.« 

    Quel est ton programme 2022 ?

    « Mon programme va être chargé. Je vais continuer à travailler avec Sodebo bien sûr, qui est mon principal projet. Il y a une course en équipage au mois de juillet, qui va être un bel événement regroupant tous les trimarans ultimes pour un tour de l’Atlantique. En plus de ça, je vais assister Thomas Coville dans la préparation du bateau pour la Route du Rhum, qui est l’événement principal pour Sodebo. Bien que la course se court en solitaire, je vais préparer le bateau, essayer de trouver les meilleurs réglages pour que le bateau aille le plus vite possible et évidemment participer à tous les entraînements. Tout un travail à faire en amont, dès la mise à l’eau prévue au mois d’avril. Je suis également remplaçant, dans le cas où Thomas se blesse avant le départ.

    En parallèle, j’espère continuer à régater pour passer du temps sur l’eau, changer de support et rencontrer de nouvelles personnes. J’ai également pour ambition de monter un projet multi50. Cette classe commence à avoir un circuit sportif super intéressant et riche.
    « 

    Quelle est la première chose qui te manque pendant tes régates ?

    « Quand on arrive après un long moment en mer, ce qui me manque beaucoup ce sont les produits frais. La petite barquette de fruits frais, offerte à notre arrivée, avec des mangues fraîches à été vite avalée et très appréciée. En mer, on mange vite, souvent debout au-dessus de la gamelle et ce sont des habitudes à oublier dès notre retour à terre où il faut reprendre le pli de manger à table, de prendre son temps, sans s’essuyer sur ses vêtements !« 

    La course la plus dingue que tu as fait dans ta vie ? 

    « L’étape du Cap Horn sur la Volvo avec un équipage anglo-saxon. L’étape la plus engagée et dure physiquement qui m’a fait sortir de ma zone de confort. D’autant plus qu’à l’époque, je n’étais pas à l’aise avec l’anglais.« 

    Quels sont les marins qui t’inspirent ? 

    « Il y en a beaucoup ! Il y a pleins de marins que j’ai croisé tout au long de ma carrière à qui je dois beaucoup, et qui ont influencé mes choix de carrière. Je pense notamment à Nicolas Troussel, Sebastien Josse et Thomas Coville bien évidemment. Il y a des talents énormes qui arrivent chez les jeunes également. Celui qui sort du lot c’est Tom Laperche. Il a commencé la course au large il y a 3 ans, il est champion de France en Figaro cette année et déjà équipier de François Gabart sur la Transat Jacques Vabres. Il a un profil incroyable ! C’est déjà quelqu’un de très bon, mais qui va continuer à briller et avoir une carrière énorme, c’est certain.« 

    Sa relation avec la plaisance

    © Thomas Rouxel – Croisière SAMBOAT

    Quel est ton plus beau souvenir en mer ?

    « J’avais fait une course en solitaire sur le circuit Figaro qui arrivait en Martinique. Un fois arrivée, j’avais loué un bateau en Martinique avec ma famille. On était descendus d’Acanciege jusqu’au Tobago cays où l’on s’était baigné avec des raies et tortues. »

    Le bateau de tes rêves pour partir en croisière en famille ou entre amis ?

    « Un catamaran, ça c’est sûr ! Je trouve que les TS 50 sont des super bateaux. Je trouve le 5X très joli. Ce qui est génial c’est de partager sa passion avec la famille ou les copains. 

    En course, il y a une notion de stress permanent que l’on est content de ne pas retrouver en croisière. Le côté également un peu frustrant lors des régates c’est que l’on passe devant des paysages de dingues sans pouvoir en profiter. L’objectif des croisières c’est de revenir dans ces jolis coins et PRO-FI-TER. D’ailleurs ce que je préfère en croisière se sont les mouillages et non les navigations.« 

    Ta zone de navigation favorite ? 

    « J’aime naviguer en Atlantique. C’est la zone de navigation que je connais le mieux, où je suis le plus à l’aise et où j’ai encore des petits recoins à visiter. 

    Après j’ai eu la chance de voir pleins d’autres endroits pendant les tours du monde, sur la Volvo Ocean Race notamment, où nous sommes passés à Singapour et en Indonésie. Des endroits qui ont l’air exceptionnels et que j’aimerai découvrir un peu mieux. Même sans partir aussi loin, rien qu’en Méditerranée il y a tant de choses à voir. J’ai fais des courses au départ de Marseille jusqu’en Turquie, en passant au milieu des îles grecques. Ce sont des destinations que j’espère redécouvrir, dans les années qui viennent, en croisière avec Samboat.« 

    Si tu n’avais qu’une seule journée à passer en bateau, en France, se serait où ? 

    « J’ai la chance d’habiter en Bretagne donc je dirai la Corse ! Le climat est meilleur, faut bien l’avouer et l’accueil est sympa. Plutôt la côte ouest.« 

     L’environnent 

    Si les ports de plaisance et les activités nautiques ont une empreinte écologique importante, les plaisanciers ont la main pour mettre en place des comportements respectueux de l’environnement. Avez-vous des gestes écologiques à bord ? Si oui, lesquels ?

    « En course, on pense beaucoup à l’environnement. C’est un aspect important pour nos sponsors et pour nous. C’est un sujet qui nous touche d’autant plus parce que l’on a la chance de naviguer dans des endroits incroyables et forcément quand on y trouve du plastique, ça nous énerve. On vit dehors, dans un environnement privilégié donc dès qu’il est un petit peu abîmé, ça nous affecte. 

    En ce qui concerne les gestes : on ne jette rien à la mer. Quand on entendait dire sur les premiers Vendée Globe que les skippers jetaient tout par-dessus bord, aussi bien déchets que voiles usées, ça nous paraît impensable. Aujourd’hui, ça nous choque. Après j’ai bien conscience que c’était une autre époque, que la culture n’était pas la même, que les problèmes n’étaient pas les mêmes, mais aujourd’hui on fait attention à nos déchets et au plastique.« 

    As-tu constaté une augmentation d’objets flottants / pollution plastique au fil des années ? 

    « En Atlantique Nord, j’ai trouvé moins de pollution plastique en mer sur mes dernières transat par rapport à celle d’il y a 10-15 ans, donc ça c’est un très bon constat. En revanche, du côté des Sargasses, c’est catastrophique. Elles sont issues de la sur-activité agricole en Amérique du Sud et s’évacuent par l’Amazone. Aujourd’hui, il existe une quantité d’algues phénoménale qui impact énormément les Antilles notamment. Il y a 10 ans on en voyait quasiment pas et cette année, lors d’une transat en Figaro nous en avons vu énormément, c’était catastrophique ! Deux jours après avoir passé les canaries, on en a trouvé une quantité incroyable et ce, jusqu’à l’arrivée. Un vrai fléau.« 

    Les OFNI font désormais partie du quotidien des équipes de course au large. Peut-on dire qu’aujourd’hui, ils sont devenus la plus grande peur des navigateurs ? 

    « Les OFNIS et les Sargasses. En ultimes nous ne sommes pas trop impacté par ces algues parce que le bateau va vite et qu’elles ne s’y accrochent pas. Mais en monocoque, c’est l’horreur ! Tu passes 80% de ton temps à essayer de les enlever des quilles et des safrans..« 

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